Dans My Book Box de mars “Histoires d’eau”, nous avons voulu faire découvrir à nos abonnés un véritable coup de coeur : le tout premier roman de Jim Lynch, Les Grandes Marées, publié aux Editions Gallmeister. Cerise sur le gâteau : à l’occasion de la sortie de son nouveau livre Face au Vent et de sa venue à Paris, il a accepté de répondre à nos questions, rien que pour vous ! 🙂
MBB : Comment est née l’idée de ce livre, le projet original et séduisant de transformer l’univers scientifique de la biologie marine en matériau romanesque et poétique ?
JL : Un poisson rare de haute mer rare s’est échoué sur une plage près de chez moi, dans la partie peu profonde de Puget Sound (Seattle, Etat de Washington). Il a été découvert par des enfants, et il m’a semblé que, peut- être, un garçon très observateur pourrait vivre un été au cours duquel il découvre toute un monde aquatique qui ne devrait normalement pas se manifester dans ces eaux. Tout cela m’attirait parce que j’étais déjà fasciné par l’univers marin, et je souhaitais trouver un projet qui me permette d’entraîner des lecteurs dans ce monde. J’aimais aussi l’idée initiale que la plupart d’entre nous sont tellement indifférents au monde qui nous entoure qu’un garçon simplement observateur pourrait être apparenté à un génie, peut-être même à un prophète.
MBB : Ce roman est impressionnant de par les connaissances qu’il transmet par l’intermédiaire du personnage principal, Miles. Quel travail de recherches cet aspect du livre vous a-t-il demandé ?
JL : Quand cette idée m’est venue, c’était l’hiver et à une période où les marées basses avaient lieu la nuit. J’ai donc exploré les trous d’eaux avec une lampe frontale. Beaucoup de créatures étaient nocturnes, ce qui fait que la plage entière était plus vivante et excitante qu’à la lumière du jour. Décrire chaque créature le plus précisément possible a pris à mes yeux une grande puissance poétique. Ensuite, j’ai lu des textes de biologie marine et j’ai interviewé un guide local spécialiste de la faune. Ma plus grande avancée, cependant, a été de découvrir les livres scientifiques de Rachel Carson [1907-1964, biologiste et écologiste, à l’origine du prix pour la protection de l’environnement portant le même nom] sur l’océan. Au regard de ce que je voulais accomplir, sa précision et sa poésie ont mis la barre très haut !
MBB : Pourquoi avoir choisi de mêler, à cet univers marin, le récit initatique de Miles, qui en un été, va passer de l’enfance à l’âge adulte ?
JL : J’avais toujours voulu écrire une histoire avec un protagoniste de 13 ans. Cet âge me tient à coeur- cette sensation d’avancer avec un cerveau de taille adulte piégé dans un corps d’enfant. Et j’ai toujours été persuadé que l’on sous-estimait la lucidité et la sagesse des enfants de cet âge. Alors, qui de mieux pour examiner l’inexplicable ? De plus, mêler les désirs et les insécurités de l’adolescence avec les merveilles du monde marin me paraissait un projet drôle et original.
MBB : Considérez-vous votre ouvrage comme un manifeste écologique ?
JL : Non mais j’avoue que j’aime cette idée ! Je vois cette histoire comme un témoignage sur le pouvoir de prêter attention au monde qui nous entoure. Au plus profond de moi-même, je suis persuadé que la nature nous récompense de cette attention : plus nous la regardons de près, plus elle devient fascinante.
MBB : Votre roman présente des personnages adultes complètement dépassés par leurs vies et le monde qui les entoure. Miles est-il à la fois un guérisseur et un révélateur du monde ?
JL : Je vois Miles comme un conteur de vérité. J’ai aimé m’interroger sur le mystique et le scientifique par le biais de l’esprit ouvert d’un garçon au regard lucide. Je trouvais qu’il était amusant et pertinent que les observations et pensées sans a priori d’un jeune garçon de treize ans puissent être perçues comme sages et clairvoyantes aux yeux d’adultes distraits et inattentifs.
MBB : Votre roman prend place dans My Book Box “Histoires d’eau”. Si vous deviez conseiller un roman et/ou un film autour de ce thème à nos abonnés, lequel serait-ce ? Pourquoi ?
JL : Je suis désolé, mais aucun grand roman ou film autour de ce thème ne me vient immédiatement à l’esprit. Cependant, je recommande les deux puissants livres de Rachel Carson, The Sea Around Us (Cette mer qui nous entoure) et The Edge of the Sea. Sous sa plume, la mer devient vivante, dans une langue incroyablement belle et avec des idées qui continuent à être pertinentes soixante ans plus tard. Je recommande également tous les films documentaires de Jacques Cousteau (bien que j’imagine que visionner ses œuvres soit obligatoire pour tous les Français). Regarder Cousteau venir à Puget Sound pour étudier une pieuvre géante quand j’avais 7 ans a probablement été mon premier pas vers l’écriture des Grandes Marées.
En tout cas merci beaucoup pour ces questions et pour avoir choisi Les Grandes Marées pour My Book Box !
(Merci à Ugo Coltel pour la traduction)