Christian Chavassieux dans My Book Box !

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Christian Chavassieux dans My Book Box !
10/01/2018 My Book Box

L’Affaire des Vivants, le roman de Christian Chavassieux publié aux Editions Libretto, a été un véritable coup de coeur pour nous, et nous avons voulu le faire découvrir à nos abonnés dans My Book Box de décembre – qui avait pour thème “Les affaires sont les affaires”. Cerise sur le gâteau : fort gentiment, Christian Chavassieux a accepté de répondre à nos questions pour notre plus grand plaisir – et le vôtre.

chavassieux

Votre parcours est jalonné d’expériences littéraires et artistiques très variées – théâtre, courts-métrages, bandes dessinées, poésie, radio, graphisme…-, ce qui nous plaît beaucoup, à nous qui souhaitons mettre en avant la curiosité et l’ouverture. Comment et pourquoi, un jour, avoir décidé de vous attaquer à l’écriture de L’Affaire des Vivants ?

Les expériences que vous évoquez sont la portion congrue de ma production. J’ai abandonné certaines (peinture, dessin, radio, courts-métrages…), pour privilégier l’écriture de romans. C’est la forme artistique qui me convient. Quant à « L’Affaire… », je n’ai rien décidé. Mes projets de romans s’exhaussent lentement, ils « montent » à la manière des gradations d’une photo analogique, dans le bain de révélateur. Ce sont des constructions élaborées au fil du temps, des notions qui m’imposent de les traiter, sans que j’en cherche le contrôle. Cela peut durer des années, jusqu’à une sorte de maturité de la réflexion qui autorise à me lancer, enfin, dans l’écriture. Pour ce roman, je voulais travailler sur les notions d’existence, de place dans la société et dans la famille, et sur notre rapport à l’héritage (au sens large), familial et notamment paternel.

A la lecture de votre roman, on ne peut évidemment s’empêcher de penser aux écrivains réalistes et naturalistes du XIXème siècle, tant dans le fond que dans la forme. En quoi ont-ils été un modèle pour vous, avant et pendant l’écriture ?

La littérature du XIXe siècle a été mon lait. Hugo, Flaubert, Maupassant (et dans une moindre mesure, Zola, et pas du tout Balzac), ont été les auteurs par lesquels l’enfant que j’étais a saisi la capacité de la littérature à produire autre chose que du récit et des péripéties. Grâce à eux, j’ai appris la puissance de l’ellipse, l’impact du vocabulaire, l’efficacité de la ponctuation, etc. En plaçant mon roman dans leur époque, j’ai réalisé que j’étais en train de leur rendre hommage. Je ne me suis pas rebiffé contre ce constat. Cependant, il est important de dire que c’est bien un roman du XXIe, malgré les apparences. « On » n’écrivait pas « comme ça » au XIXe. C’est subtil, mais, si le cadre, les personnages, le vocabulaire, la trame du récit même et les poncifs (visite au bordel, banquiers, repas d’affaires, scènes de la vie bourgeoise, grèves…), produisent un effet de déjà-vu, le phrasé, certaines images, la scansion des passages violents, et les interventions de l’auteur en font un roman écrit ici et aujourd’hui. Rien à faire, ce livre vient de là, les psychés des personnages et ce qu’il advient d’eux sont une fantaisie d’auteur actuel. C’est en cela que j’ai de nombreuses fois défendu l’idée que « L’Affaire des Vivants » n’est pas un roman historique.

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Votre roman a pour décor la révolution industrielle du XIXème siècle, plus particulièrement l’industrie textile de la région lyonnaise. Quelle a été la part, au sein de l’écriture romanesque, du travail documentaire de recherches sur cette époque ?

Très importante, mais j’avais déjà beaucoup de documentation issue d’un livre précédent (« J’habitais Roanne », Thoba’s éditions). Pour « L’Affaire… » un effort documentaire supplémentaire a été nécessaire pour évoquer l’exposition universelle de Lyon, la guerre, les affaires justement, toute une foule de détails… et le tournage par Abel Gance de son « J’accuse », en 1918. Les notes en annexe ne doivent pas inquiéter le lecteur : elles sont là pour prolonger la complicité initiée avec lui au cours du roman par le procédé de la métalepse narrative. Leur lecture n’est pas nécessaire, elles sont là pour prolonger le plaisir du roman, enfin j’espère…

Nous avons déjà évoqué la diversité de vos activités, et nous avons notamment chaudement recommandé à nos abonnés, dans la brochure accompagnant le thème du mois, d’aller découvrir votre blog Kronix, dont la devise est “Un vague intérêt pour tout”. En quoi cette forme d’écriture est-elle nécessaire pour vous et en quoi vient-elle compléter votre travail romanesque ?

Merci d’avoir poussé jusque là votre intérêt pour mon travail… Kronix a été créé en 2004. J’ai supprimé les anciens contenus et l’ai repris selon une formule quotidienne plus rigoureuse depuis 2006. Cela a coïncidé avec ma résolution d’écrire dans l’espoir d’être publié. Et c’est sur Kronix que j’ai appris à mes amis la parution de mon premier roman, en 2008, puis mon premier prix, etc. C’est donc une longue histoire. Je m’interroge régulièrement sur l’utilité d’un blog, c’est un mode plutôt ringardisé aujourd’hui. Je continue malgré tout, c’est un peu comme faire sa gym le matin, ça participe de la discipline de l’écriture, qui est essentielle par ailleurs à la production de romans. C’est aussi un laboratoire formel, j’y essaye des formes courtes, des nouvelles, du feuilleton. C’est encore un lieu où je répercute mon « actualité » : rencontres, conférences, sorties de livres, représentations théâtrales, travaux en cours. Il m’arrive d’insérer des extraits. Kronix varie avec le temps, selon l’humeur. C’est peut-être ce qui me plaît, dans le blog : rien n’est figé. Et puis, je suis un gros lecteur de blogs d’autres écrivains.

L’Affaire des Vivants est le premier roman que nous avons choisi pour notre thème de Décembre “Les affaires sont les affaires” ; vous y serez en compagnie du Fils de Sam Green de Sybille Grimbert et de Comment voler une banque de Donald Westlake. Si vous deviez conseiller une œuvre (livre, film, bande-dessinée…) autour de ce thème, laquelle serait-ce et pourquoi ?

Merci de me faire figurer en aussi belle compagnie. Un conseil ? Je pense immédiatement à « L’Inauguration des ruines » de Jean-Noël Blanc, auquel mon roman a souvent été comparé. Il est pourtant très différent : Jean-Noël Blanc ne s’est pas cru obligé, contrairement à moi, de verser son tribut à la littérature du XIXe siècle. Son style superbe, ourlé et gourmand, malicieux et riche, soutient la description de la trajectoire d’une homme puissant, de sa naissance à la mort, dans la France de la fin du XIXe siècle et pendant une grande partie du XXe. C’est un roman extraordinaire. Sur la question du travail, je crois qu’il est bon de faire un tour par les livres de Thierry Beinstingel. Les affaires y sont vues du côté des petites mains. Au niveau cinéma, « La Splendeur des Amberson » d’Orson Welles, malgré les mutilations des producteurs (mais elles sont tellement outrées qu’elles apparaissent nettement et qu’on comprend en le visionnant quelle promesse était ce chef-d’œuvre). Je crois que j’ai écrit « L’Affaire » sous l’influence de ce film, sans m’en rendre compte. Un jour, un nouveau visionnage m’a fait réaliser son importance sur la « couleur » de ce roman en particulier. Si la lecture vous y fait penser, chers lecteurs, je vous comprends et vous le dis : il y a bien parenté  inconsciente je vous assure  mais réelle.

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