Le thème du mois
“A la guerre comme à la guerre”
On a beau jurer ses grands dieux que, cette fois, c’est la « der des der », il semble que l’être humain, par ambition ou bêtise, par nécessité ou stratégie, ne puisse s’empêcher de partir à la guerre. Impossible de faire l’inventaire de tous les conflits qui ont ponctué l’histoire de l’humanité ; ce qui est sûr, c’est que de l’Antiquité aux époques actuelles (et même futures !), dans tous les recoins du globe (et dans l’espace!), ce thème a inspiré les artistes – à l’infini. Autant dire que le choix fut cornélien…et la sélection forcément fabuleuse !
C’est dans le Bordeaux des années 50, pluvieux et encore marqué par les traces des bombardements, que nous entraîne le somptueux Après la guerre d’Hervé Le Corre. L’ancien collaborateur Darlac, devenu commissaire, se voit rattrapé par le passé lorsque ressurgit dans sa vie un personnage fantômatique – qui s’intéresse lui-même de près au jeune Daniel, dont les parents ont été déportés et qui vient d’être appelé pour partir en Algérie. Construit de façon remarquable, ce récit en équilibre entre deux générations et deux guerres nous conduit au tréfonds de l’âme humaine et nous montre que, de guerre en guerre, l’horreur – et les hommes – restent les mêmes.
L’horreur de la guerre, Tim O’Brien la connaît. Appelé au Vietnam à la fin de ses études, le jeune homme se retrouve plongé dans l’enfer des combats. Dans ce chef d’oeuvre qu’est Les choses qu’ils emportaient, il nous plonge avec lui dans l’angoisse, la boue, la mort – mais aussi au cœur des liens qui se créent entre les hommes dans ces moments-là. Témoignage bouleversant et œuvre littéraire à la force impressionnante et à l’écriture unique, finaliste du Prix Pulitzer, ce texte continue de nous hanter bien après sa lecture – de même que la guerre, toujours, hantera l’auteur et son pays.
C’est le point de vue de l’enfant dans la guerre qu’a voulu donner le dernier livre choisi : C’est la guerre, récit autobiographique de Louis Calaferte (auteur qui mériterait d’ailleurs que l’on parle de lui bien plus qu’on ne le fait !), raconte les six ans de la seconde guerre mondiale à travers les yeux et le langage d’un gamin grandissant au milieu de l’enfer des civils de l’arrière, et qui livre sans filtre ni arrière-pensée tout ce qu’il voit, entend, comprend – révélant ainsi les mensonges, les lâchetés et les compromissions de cette époque. C’est paradoxalement un livre plein d’énergie, de poésie et de vie qui, tel un tableau impressionniste, nous donne à voir et à entendre ce que peut être la guerre.